
Léo Zulauf

Mes créations ne sont pas intellectualisées mais instinctives, c’est un univers où le sensible devient viscéral, où l’explication n’existe pas. Des images sorties de l’inconscient où les sensations priment.
Quelques mots sur mon parcours :
Depuis plus de 25 ans, je mène des recherches artistiques dans plusieurs voies. Dans mon enfance, j’ai toujours aimé dessiner, peindre et sculpter, j’ai développé un goût pour les formes de beauté qu’on retrouve dans la nature, les insectes, les pellages, le monde minéral et végétal, mais avec une attirance pour ce qui était considéré comme repoussant, les cadavres, les textures de putréfaction et les anomalies ou déformités des corps. J’étais fasciné par les monstres et les effets spéciaux dans les films, à tel point que je me rêvais technicien pour film d’horreur.
A l’adolescence, j’ai vraiment commencé à pratiquer artistiquement de manière plus sérieuse, tout d’abord avec les graffitis. Je peignais avec des aérosols sur des murs, des lettrages et personnages de manière classique, mais rapidement je me suis émancipé des schémas traditionnels du graffiti pour peindre de manière plus originale des fresques où se mêlait peintures au pinceau ou aux chablons avec des motifs plus organiques. À la suite de cette période (de 13ans à 16ans), j’ai commencé à m’intéresser aux peintres classiques
Durant le collège, j’ai découvert la peinture à l’huile et la sculpture, je me suis aussi intéressé au cinéma en réalisant des courts métrages. Parallèlement, je me suis politisé, je lisais beaucoup de livres anticapitalistes et sur l’écologie. Lorsque mes amis ont majoritairement choisi de poursuivre leurs études au niveau universitaire, j’ai à l’inverse décidé de continuer de manière autodidacte à étudier les différents domaines qui m’intéressaient ; la menuiserie, le travail du métal, la construction et les formes d’artisanat en général. J’ai commencé à enchainer les petits boulots dans différents domaines, magasinier, pose de coffres forts, aménagement de magasin. Je vivais dans des squats où souvent je m’aménageais des petits ateliers pour peindre ou sculpter.
Vers 20 ans, j’ai débuté la photographie, mais plutôt comme continué à la peinture, car je photographiais des projections retouchées à la peinture. Mes pratiques artistiques se réalisaient toujours en parallèle à ma vie professionnelle. J’ai aussi travaillé avec mon père dans l’ébénisterie et la restauration de maison ancienne. Je prenais parfois des cours du soir pour adultes pour aller plus loin dans la maitrise de certaines techniques comme la marqueterie ou la soudure. Je considérais le travail manuel comme égal au travail intellectuel, je voulais découvrir et apprendre des deux côtés.
A 25 ans, j’ai déménagé dans une communauté en France. Nous avons acheté une ancienne ferme avec du terrain. Depuis cette période, un nouveau centre d’intérêt est né pour moi, l’agriculture. Mes convictions politiques et philosophiques m’ont toujours éloigné du monde artistique qui m’apparaissait comme lié au pouvoir et à l’argent, un univers mondain et autocentré qui ne répondait pas à mon désir de participer à un projet collectif. Même si d’un autre côté, j’ai toujours été en contact étroit avec l’art, j’avais du mal à me projeter professionnellement dans ce milieu. Mais, j’avais aussi du mal à me projeter dans le monde professionnel des artisans qui devenait de plus en plus lié au luxe. C’est pourquoi, une vie en communauté tournée vers l’agriculture et la résistance au capitalisme, était l’unique voie dans laquelle je pouvais me projeter à ce moment-là.
Après quelques années de vie en collectivité, expérience très riche mais complexe, j’ai voulu devenir agriculteur en revenant m’installer à Genève. Une opportunité c’est présenté de reprendre avec un associé une ferme très proche du centre-ville. Ainsi, depuis plus de 13 ans, j’ai pu codéveloppé la ferme de Budé, un lieu qui réunit de l’agriculture, avec un jardin maraicher cultivé en bio, un commerce, où l’on vend notre production ainsi que celle d’autre producteur, et de la pédagogie grâce à des milliers d’élève qui viennent faire des visites.
Parallèlement à cette entreprise, j’ai rencontré ma compagne, avec qui je fais de la céramique (présentée dans la section Obvara) et avec qui j’ai eu deux enfants.
Même si ma vie professionnelle et familiale est bien remplie, j’ai toujours continué mon art de manière régulière, car c’est une nécessité. J’aurais de la peine à expliquer pourquoi je suis habité par cette nécessité de créer, mais je pourrais peut-être dire que cette une quête, une quête de beauté. Lorsque je me rappelle les sensations que j’avais, vers 14 ans, en découvrant, par exemple, un nouveau magazine de Graffitis, j’ai vraiment le sentiment que je regardais des formes de beauté qui me procuraient du plaisir et me transportaient loin.
Même impression, très forte aussi, lorsque je voyais pour la première fois le livre de photo de David de Nebreda, une sorte de jubilation extatique, malgré la violence des images et leurs monstruosités. Je ne sais pas comment réellement qualifier ces sensations et ces émotions, mais il y avait quelque chose de l’ordre d’une catharsis. Je pense que la beauté et sa recherche, à travers l’observation de travaux d’autres confrères, dans la nature, ou dans mon travail, est bien plus qu’une recherche du joli. C’est la poursuite de quelque chose qui est en lien avec beaucoup d’autres artistes et beaucoup d’autres époques, c’est une recherche dans le fond qui n’est pas intellectuelle, une recherche qui est plus viscéral. La beauté est quelque chose qui séduit, la beauté est quelque chose qui dans son pouvoir de séduction nous attire et nous guide, en cela la beauté exerce un pouvoir sur nous.
Je ne sais pas si ce que je fais est beau, mais si c’est le cas, je serais très heureux de pouvoir le partager.




